La rédaction de la clause bénéficiaire en assurance vie est un exercice plus complexe qu’il n’y paraît. Un cas récent illustre un piège courant : la renonciation ou le décès du bénéficiaire ne transfèrent pas automatiquement les capitaux à ses propres héritiers, sauf si la clause le prévoit expressément.
Quand le bénéficiaire renonce…
Un assuré avait souscrit un contrat d’assurance vie en désignant comme unique bénéficiaire de premier rang son propre héritier. À son décès, le bénéficiaire informe l’assureur de sa volonté de renoncer aux capitaux décès, afin qu’ils soient versés directement à ses enfants.
Mais l’assureur lui oppose une fin de non-recevoir : la clause bénéficiaire souscrite ne comporte pas de clause de représentation en cas de décès du bénéficiaire avant l’assuré ou en cas de renonciation. En conséquence, si le bénéficiaire maintient sa décision de renoncer, les capitaux ne seront pas transmis à ses enfants mais réintégreront la succession de l’assuré.
Une différence avec le droit des successions
La règle surprend souvent, car en matière successorale, la représentation est automatique (articles 751 et suivants du Code civil). Les enfants d’un héritier prédécédé viennent de plein droit en représentation.
En assurance vie, la logique est différente. L’article L.132-9 alinéa 4 du Code des assurances précise que l’attribution du bénéfice d’un contrat suppose que le ou les bénéficiaires désignés existent au jour du décès de l’assuré, sauf stipulation contraire.
Autrement dit : si la clause ne prévoit rien, les héritiers du bénéficiaire renonçant ou prédécédé n’ont aucun droit automatique. La quote-part du capital concerné est alors :
• répartie entre les autres bénéficiaires de même rang,
• versée aux bénéficiaires du rang suivant,
• ou, en l’absence de désignation complémentaire, intégrée à la succession de l’assuré.
La vigilance sur la rédaction de la clause
Dans ce dossier, l’assuré avait choisi une clause type, proposée dans le document d’adhésion, qui ne prévoyait pas de représentation. D’autres clauses, plus élaborées, offraient pourtant cette possibilité.
Le Médiateur rappelle que :
• le bénéficiaire ne peut transmettre sa part à ses héritiers que si la clause de représentation est expressément prévue,
• la renonciation du bénéficiaire, non encadrée par le Code des assurances, doit être anticipée et prévue dans la clause pour être efficace.
À défaut, l’assureur est fondé à alerter le bénéficiaire sur les conséquences de sa décision : la renonciation entraîne mécaniquement le retour des capitaux dans la succession de l’assuré.
La leçon est claire : la clause bénéficiaire doit être rédigée avec précision et régulièrement mise à jour. Trop souvent standardisée, elle ne reflète pas toujours la volonté réelle du souscripteur. Un rendez-vous régulier avec son assureur ou son conseil patrimonial permet d’éviter des déconvenues qui peuvent coûter cher aux héritiers.